[Jacques de Roore, ou Jacques le Chandelier, était ministre de l’église de Dieu pendant le temps où l’église souffrait de la persécution de la part de l’église catholique romain, allié aux autorités espagnols qui régnaient sur ce qui est maintenant la Belgique et le Pays-Bas. Il a été condamné au bûcher, ce qui a été fait le 10 juin 1569 à Bruges.]
Ma bien-aimée femme en Dieu, pour témoignage de l’amour que je vous ai portée, je n’ai pu lasser de vous encore écrire cette petite lettre de départ en ce jour qu’on nomme le jour du Sacrement, après dîner et après avoir reçu le message qu’il me fallait mourir le lendemain. Or, ma bien-aimée femme, cette lettre que je vous envoie pour un départ et congé, n’est pas une lettre de divorce, telle que le peuple d’Israël écrivait pour la dureté de leur cœur, pour délaisser leurs femmes; mais ce que je vous délaisse maintenant est pour l’amour du Seigneur. Car pour cette cause doit on délaisser toutes choses, c’est lui qui nous a conjoint ensemble et c’est lui qui nous sépare maintenant, laquelle chose je reçois volontiers et de bon cœur, et n’a été mon courage et mon affection encore meilleur ni si bon qu’il est à cette heure. Pour cette effet loué soit Dieu.
Par ainsi ma bien-aimée femme en Dieu, je vous recommande maintenant au Seigneur, avec mes enfants, lequel vous sera comme un mari et à eux comme père si vous demeurez fidèlement avec lui. C’est lui qui aura soin de vous et vous pourvoira tant des chose spirituelles que corporelles. Car Saint Pierre dit : Comme la divine puissance nous ayant donné tout ce qui appartient à la vie et piété par la connaissance de celui qui nous a appelé pour sa propre gloire et vertu. Par lesquelles nous sont donnés les grandes et précieuses promesses, afin que par eux vous soyez faites participants de la nature divine, après vous être retirés de la corruption qui est au monde en concupiscence. Pourtant, si nous lui demeurons ainsi loyaux et que nous nous gardions de la corruption et souillures de ce monde, il nous sera Père très loyal, lequel nous pourvoira. Car c’est lui qui donne viande à toute chair. Et les yeux de tous s’attendent après lui, dit David, et il leur donne viande en leur temps.
Par ainsi ma bien-aimée femme, je vous recommande maintenant avec nos enfants au Seigneur, et ce par foi et pour confirmer l’alliance que nous avons faite avec lui. Ainsi qu’Abraham a sacrifiait son fils au Seigneur par foi, et Jephté offrit sa fille au Seigneur pour confirmation de la promesse qu’il avait faite à Dieu, ainsi vous rends-je, donne et recommande maintenant par foi et amour avec mes enfants au Seigneur, en espérance et confiance qu’il vous pourvoira. Ici donc, ma bien-aimée femme en Dieu, je vous dit un adieu perpétuel, jusqu’à ce qu nous nous voyons l’un l’autre en la joie éternelle dont le Seigneur nous en veuille faire la grâce. Adieu ma bien-aimée femme en Dieu, tenez vous toujours pure et nette et enseignez bien vos enfants en les nourrissant en la crainte de Dieu, leur faisant entretenir et continuer la prière et l’action de grâces devant et après le repas, comme je leur ai enseigné, je vous en prie.
Adieu Henry et Clément, Pierre de H. et sa femme, Joffe de la H. et sa femme et tous ceux que je connais qui demeurent à l’alentour, je dis à tous ceux-là adieu de bon cœur. Par moi, Jacques de Roore. Écrit en grand hâte, après avoir reçu message qu’il me fallait faire mon sacrifice. Je vous prie d’user charité envers ma femme et recréer son courage par bonne visitation avec elle, accompagnée d’un familiarité amiable. Car cela recrée fort une personne, principalement ceux qui ont perdu leur compagnon et se trouvent seuls. Pourtant je vous prie tout ensemble d’aller voir et visiter avec sa famille et d’être familiers avec eux.
Que ceux-là donc qui souffrent par la volonté de Dieu lui recommandent leurs âmes comme au fidèle Créateur en bien faisant. 1 Pierre 4,19