Mon Dieu! Quelle guerre cruelle!
Je trouve deux hommes en moi :
L’un veut que, plein d’amour pour toi,
Mon cœur te soit toujours fidèle;
L’autre, à tes volontés rebelle,
Me révolte contre toi.
L’un, tout esprit et tout céleste,
Veut qu’au ciel sans cessé attaché,
Et des biens éternels touché,
Je compte pour rien tout le reste;
Et l’autre, par son poids funeste,
Me tient vers la terre penché.
Hélas! En guerre avec moi-même,
Où pourrais-je trouver la paix?
Je veux, et n’accomplis jamais,
Je veux, mais (ô misère extrême!)
Je ne fais pas le bien que j’aime
Et je fais le mal que je hais!
Ô grâce, rayon salutaire!
Viens me mettre avec toi d’accorde,
Et, domptant par ton doux effort
Cet homme qui t’est si contraire,
Fais ton esclave volontaire
De cet esclave de la mort.
(Tiré de l’épître de St. Paul aux Romains)
– Jean Racine